La prescription ne prévient pas, elle tranche. Lorsqu’elle frappe une créance, tout recours judiciaire disparaît, même si la dette n’a jamais changé de main. Rien ne s’efface pourtant du jour au lendemain : le créancier garde le souvenir, et parfois l’espoir,, mais la loi, elle, tourne la page. Parfois, un geste du débiteur, un simple virement, une lettre, relance le compteur. Mais sans cet acte, le délai légal impose sa règle et ferme la porte aux actions en justice.
Les délais ne sont pas les mêmes pour toutes les créances : tout dépend du contrat, du type de dette, et de qui sont les parties concernées. La prescription, une fois acquise, ne laisse guère de place aux regrets : le droit s’éteint pour de bon. Pourtant, il existe des stratégies pour éviter d’en arriver là. La surveillance régulière des échéances et des actes posés s’avère déterminante pour maintenir vivante la possibilité d’être payé.
Comprendre la prescription d’une créance : définition et enjeux
Une créance représente le droit d’exiger d’un débiteur une somme d’argent ou la livraison d’un bien équivalent. Mais ce droit, par nature, n’est pas éternel. La prescription extinctive vient poser une limite définitive à l’action. Selon l’article 2224 du Code civil, le délai courant pour une créance civile est de cinq ans, sauf indication contraire dans un autre texte. Passé ce terme, impossible de saisir le juge pour obtenir paiement : toute issue judiciaire reste fermée au créancier.
Identifier si une créance est prescrite revient à remonter à sa source : date de naissance de la dette, type de lien contractuel, nature de l’engagement. Le délai part du jour où le créancier a eu, ou aurait dû avoir, en main tous les éléments utiles pour agir. Dans quelques situations, comme les procédures collectives, la notion de forclusion vient s’ajouter et ferme la porte à toute interruption ou suspension.
Le débiteur peut alors opposer la prescription pour mettre un terme aux poursuites. Mais dès qu’il accorde un règlement partiel ou offre une reconnaissance écrite, tout peut recommencer depuis le début. Côté créancier, garder la main sur les échéances évite de voir son droit s’évanouir. Particulièrement pour les dettes de famille, celles issues d’échanges commerciaux ou d’une succession : seule une attention soutenue permet d’écarter le spectre de la prescription.
Quels délais s’appliquent selon le type de créance ?
Le délai de prescription varie selon la créance, la qualité des parties et le domaine concerné. Généralement, le Code civil fixe la barre à cinq ans dès lors que le créancier dispose des informations lui permettant d’agir. Cependant, il existe des exceptions notables à connaître pour éviter les pièges. Voici les principaux cas de figure :
- Créances entre professionnels et consommateurs : depuis la réforme de 2014, les professionnels disposent de deux ans pour réclamer une somme à un particulier. Facture de téléphonie, d’énergie ou d’eau : la justice devient inaccessible après deux ans d’inertie.
- Chèque impayé : la marche est courte, avec seulement six mois pour agir après l’émission. Au-delà, plus de poursuite envers l’émetteur.
- Abonnement téléphonique ou Internet : ici, le délai tombe à un an à partir de la date de la facture impayée, selon les règles du code des postes et communications électroniques.
- Transports : billet de train ou d’avion non réglé ? Un an à compter du jour d’exigibilité, pas plus.
Le point de départ du délai n’est pas toujours simple à fixer : généralement, il correspond au jour où la dette devient exigible, une fois la livraison ou la facture réalisée, ou l’échéance de prêt atteinte. Si la créance comporte des intérêts de retard, le même délai que la créance principale s’y applique. Certains contrats adaptent ces délais mais jamais au détriment du débiteur non professionnel : le cadre légal protège la partie la plus exposée.
Reconnaissance de dette et interruption de la prescription : ce qu’il faut savoir
Reconnaître une dette, c’est relancer l’horloge. Quand un débiteur écrit, signe ou effectue un virement explicitement lié à la dette, un nouveau délai de prescription commence. La mention de la date, du montant, des identités, ainsi que la signature, surtout pour une dette de plus de 1 500 euros, sont indispensables.
Certains actes reprennent le même effet et relancent le délai : action en justice par le créancier, saisie préventive sur un compte, ou règlement d’un acompte par le débiteur. Toutes ces démarches réinitialisent le compteur et font partir un nouveau délai, adapté à la nature de la créance. Demander au juge l’octroi d’un délai de grâce suffit aussi à relancer la prescription.
Mais attention, envoyer une simple mise en demeure n’interrompt pas le délai. Il faut un geste reconnu par la loi ou une action concrète pour empêcher l’échéance. Concernant la suspension du délai, seules des situations comme la minorité, la mise sous protection d’un majeur, ou la vie commune sous PACS, entraînent un « arrêt sur image » temporaire, sans réinitialisation totale du compteur.
Dès qu’une reconnaissance de dette est attaquée, les débats se cristallisent souvent sur la réalité de l’accord, la remise effective des fonds ou la légitimité du prêt. Mieux vaut avoir tout réuni : actes datés, échanges de courriels, ou toute pièce incontestable.
Face à une créance prescrite : solutions et recours pour le créancier
Même frappée par la prescription, une créance ne disparaît pas des registres d’un simple trait de plume. Sur le plan comptable, l’inscription demeure ; juridiquement, la route vers le juge n’existe plus. Il reste néanmoins quelques solutions à explorer. La démarche amiable conserve tout son intérêt pour tenter de récupérer la somme. Proposer un échelonnement au débiteur, maintenir un dialogue ou préserver une relation peuvent encore favoriser un règlement spontané. En l’absence de pression excessive ou de menaces, le paiement reste possible, même tardif. Le créancier, de son côté, doit veiller à ne jamais dépasser la ligne rouge, sous peine de sanctions.
Si la négociation s’enlise, un avocat ou une société spécialisée dans le recouvrement peut intervenir, à condition de rester dans un cadre strict : pas d’intimidation, pas de relances abusives. La défense du droit passe alors par la capacité à réunir des preuves solides : contrat initial, facture, échanges écrits, tout renfort documentaire peut compter.
Il arrive qu’une dette prescrite prenne un nouveau souffle. Qu’il s’agisse d’un versement partiel, d’une reconnaissance écrite du débiteur, ou de circonstances particulières (déclaration dans une succession, débat sur la vraie nature de la dette allant jusqu’à la requalification en donation déguisée), le dossier peut rebondir. Mais sans geste du débiteur, le verrou judiciaire reste ferme.
À chaque échéance ignorée, des possibilités s’envolent. Plus que jamais, la rigueur dans le suivi et la capacité à anticiper font la différence entre un droit qui se dissipe et un créancier qui obtient gain de cause. La prescription ne cède jamais à l’improvisation : elle récompense la vigilance.


